Pourquoi vivre et pourquoi mourir. Pourquoi être là à écrire, pourquoi passer mon temps en cours, assise sur toujours cette même chaise avec ces mêmes profs qui me parlent de choses qui ne m'atteignent pas. La S me renferme, moi ce que je veux c'est m'ouvrir au monde et sérieux, cette ambiance m'oppresse. Je sais pas ce que j'ai. Ca va, mais. Ca pourrait aller mieux parce que j'ai toujours ce rêve dans ma tête et je ne peux pas m'empêcher de lui comparer la vie que je mène et qui me promène par le bout du nez, parce que je n'ai pas le choix. Et il me nargue, mon rêve. Je plonge dedans et il me montre tout, tout ce qui est merveilleux en lui, pour finalement me confronter à la (triste) réalité.
En fait, je ne suis pas là pour me plaindre. Je ne sais pas pourquoi je suis là. J'ai besoin d'écrire, ça a toujours été comme ça. Ecrire les peines plutôt que les joies, écrire l'amour quand il est là, et écrire la peur, écrire le ciel entre mes doigts que je n'attraperai jamais parce qu'il est insaisissable. Ce qui est insaisissable aussi c'est moi. Je comprends rien à moi. Je comprends rien au monde qui ne tourne pas rond, certes, mais je ne sais pas. Je me sens tellement détachée de tout ça. Comme, disons, spectatrice. Et ça me terrifie. Parfois j'ai l'impression de perdre ma place et de la laisser vide, comme si tout ça n'avait pas d'importance au fond, vraiment aucune importance. J'en ai marre de rester à trainer dans ce couloir ou dans ce champ et de voir toujours les mêmes têtes, les mêmes sourires mécaniques, les mêmes yeux où rien ne brille. Je veux des rires, de la joie, de l'amour et l'or des regards, je veux rencontrer de nouvelles personnes et vivre des moments forts. Mais peut-être que j'en demande trop. Je me demande si nous sommes destinés à vivre ça plus tard, en dehors de nos études, ou si au contraire c'est dès maintenant qu'il faut saisir ces instants, vivre tout ça parce que si on ne commence pas aujourd'hui on ne trouvera jamais la force de commencer... Je ne sais pas. Mais mon instinct me dit de vivre au présent.
C'est dur. Je constate toujours un peu plus que ces amitiés sont des amitiés de surfaces, des relations banales de gens qui ne se connaissent pas. J'aimerais un jour aller voir quelqu'un que je ne connais pas du tout, ni d'Eve ni d'Adam, et parler avec lui, parler de nos vies, de tout et de rien, se confier, s'ouvrir à fond. Mais est-ce seulement possible ? Et ne le faisons-nous pas chaque jour avec nos amis ? Encore une fois j'en demande trop. Ces rencontres furtives avec l'inconnu sont des moments précieux parce qu'ils ne se reproduiront jamais, sans doute, et sans doute aussi que cela ne peut pas aboutir à une relation durable. Et même si c'était le cas, vient toujours un jour où on ne trouve plus rien à se dire, non ? A moins de rencontrer la bonne personne, la personne entière, celle qui nous correspond, qui nous colle à la peau et avec qui parler sera toujours un plaisir réciproque. Au fond, c'est sûrement cela le plus difficile à trouver. La réciprocité des sentiments, l'envie mutuelle d'apprendre à connaître l'autre, et surtout, surtout, aucune ambition de le surprendre ou de l'étonner, aucune fausse note dans les regards ou les sourires. Ce que je recherche relève peut-être de l'impossible, au fond... Mais je veux y croire. Je sais que je peux y croire, je sais que des rencontres peuvent changer le cours des choses.